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jeudi 22 décembre 2016

Le jardinier et la cuisinière de George SAND à Nohant.



La généalogie conduit toujours à des découvertes, même si l'on est des plus modestes extractions.

Une fois encore et après 38 ans de recherches, je suis sur un nuage, au dessus de ce bel endroit qu'est le château de Nohant, visité déjà deux fois dans l'ignorance de ce qui va suivre.

En recherchant les collatéraux (frères et sœurs) de mes premiers ancêtres, je termine par ceux de la grand mère maternelle de notre cher grand-père maternel: François BRÉMOND. Et c'est déjà une première surprise au mariage d'un des frères, Louis, à Tigné le 20 septembre 1858....

... dont le puîné Jean, est dit "jardinier à Nohant-Vicq" !!

Mon imagination, ne fait qu'un tour en pensant aux jardins de George SAND à Nohant et à sa maitresse de maison, l'un des personnages, les plus attachants du XIXème siècle.

Le site des archives départementales de l'Indre, n'étant pas opérationnel alors, Geneanet ne me
donnant rien, je trouve sur Bigenet l'acte de mariage de Jean RENAULT et Anne MICHEL, le 22 juillet 1861 à Nohant-Vicq. Lui jardinier, né à Tigné (Maine et Loire) le 2 juin 1831 et elle cuisinière, 22 ans, née à St-Denis-de-Johet (Indre).
Dernier recours pour en savoir plus, en attendant d'aller sur place : un appel au secours sur la page Facebook de la maison de George SAND...
Et là mon délire devient palpable...

Sylvie une des guides, m'apporte hier quelques informations. Effectivement le couple était bien employé au château, sous la bienveillance de la "Dame de Nohant". Il logeait semble-t-il dans le pavillon du parc, que l'on nomme aujourd'hui "Le Pressoir" et où Flaubert logera, fin 1869, lors de son séjour à Nohant.



Le pavillon
George SAND annonce à son fils Maurice, le départ de son jardinier [Joseph HUBERT], dans une lettre de février 1854 "pour cause de querelles et d'insociabilité", disant par ailleurs que c'était "l'être le plus exigeant et le plus indécrottable qui existe".
Félix LORGERON, lui succède en février 1854, puis Jean RENAULT est engagé au printemps 1856.

Avant son mariage, Jean demanda l'autorisation à George SAND d'épouser sa cuisinière, ce qu'elle lui accorda bien volontiers. 
Tout cela est extrait des "Agendas" de George SAND, tenus pendant 13 ans par Alexandre manceau, son dernier grand amour.
Ce fut Alexandre MANCEAU, qui conduisit la mariée à l'autel, le père d'Anne devant sans doute être décédé. Il est l'un des deux témoins du marié.


Alexandre MANCEAU par NADAR en 1864.
 L'écrivain déjà atteint de tuberculose est emporté par la maladie, l'année suivante.

Alexandre Manceau est un graveur et auteur dramatique français, 
né àTrappes le 3 mai 1817, mort à Palaiseau le 21 août 1865

 
En janvier 1852, apparaissaient les agendas. Ils seront essentiellement tenus par Manceau – parlant de lui à la troisième personne – jusqu’à son éviction de NOHANT en juin 1864. C'est George SAND, qui en poursuivra la rédaction quotidienne jusqu'à sa mort en 1876.
Manceau avait acheté une petite maison à Gargilesse (Indre), pour permettre à sa Dame de s’y retirer quelquefois. Mais en 1864, le couple MANCEAU-SAND fut contraint de quitter Nohant. Des fissures étaient apparues dans la cohésion familiale.
Maurice, âgé de quarante ans, venait d’épouser Lina CALAMATTA. Grisé par ses nouvelles fonctions de chef de famille il demanda à Manceau de quitter Nohant à la Saint-Jean, comme un domestique. Mesquine vengeance de ce fils qui n’avait jamais accepté la présence de son ami dans la vie de sa mère. 
Son animosité posthume le conduisit d’ailleurs à ajouter des commentaires rageurs dans les Agendas et à supprimer les passages concernant Manceau dans l’édition de la Correspondance de George Sand, qu’il confia à Calmann-Levy en 1882-1884.


Le château
 
La cuisine

 
L'église de Nohant-Vicq
Comme le note Alexandre MANCEAU dans l'agenda à la date du mariage de Jean RENAULT et d'Anne MICHEL, le 22 juillet 1861 (voir en fin d'article): "Le repas de mariage compte "14 convives, y compris les 2 chiens". Au retour de la noce ils viennent voir madame", qui leur remet son cadeau.

Le couple a au moins deux fils Henri, né à Nohant le 21 décembre 1861 et Lucien, né à Nohant le 23 septembre 1863. Lucien sera maréchal-ferrant à Nohant.
La naissance du premier, Henri, est notée dans les agendas. Elle est rédigée par George SAND ainsi : "La cuisinière en mal d'enfant depuis hier soir, inquiète un peu la sage femme. L'enfant se présente mal et la mère manque d'énergie physique. À 4h. on vient m'annoncer qu'il est né, un garçon bien vivant qui a la fesse noire". Il est baptisé le 22

Jean RENAUD, aurait quitté le service de George SAND en 1869.
Il a la médaille d'or d'un concours à La Châtre en 1867 et peut-être en 1870.


Portrait de George Sand par Auguste CHARPENTIER (1838)
coll. Musée de la vie romantique, à Paris.



Résumer George SAND en quelques lignes est bien sûr impossible. Mais qui ne la connait pas, qui n'a pas au moins lu à l'école primaire La mare au diable ?
George SAND est le pseudonyme d'Amantine, Aurore, Lucile Dupin, baronne DUDEVANT, à la généalogie extraordinaire (pour les curieux).
Romancière, auteur dramatique, critique littéraire, journaliste, sans oublier féministe et militante de la trempe de notre cher HUGO, elle est née à Paris le 1ᵉʳ juillet 1804 et est morte au château de Nohant-Vic le 8 juin 1876.

L'agenda rédigé par A. MANCEAU à la date du 22 juillet 1861

George SAND est un modèle de femme passionnée. Outre l'écriture, elle avait une passion particulière pour la cuisine et surtout pour la botanique et son jardin de Nohant.
De ce jardin à la mesure de son immense imagination, naît une large part de son inspiration. Elle y soigne particulièrement sa roseraie, ses serres, ses arbres, le verger et le potager.
Tous les artistes qui viennent à Nohant en témoignent : DUMAS fils, DELACROIX, LISZT et Marie d’Agoult, BALZAC, FLAUBERT et surtout CHOPIN qui y séjourna sept étés à partir de 1839 et y écrivit, tout aussi inspiré, ses plus belles pièces .
Le jardinier Renaud et la cuisinière ont une place importante dans la maison.

Extrait de "George SAND chez elle", publié en 1900 par sa petite fille Aurore SAND (1)
"Accolée à la maison à l'ouest, l'orangerie était remplie, pendant l'hiver, de lourdes caisses contenant les plantes frileuses, dont le jardinier RENAUD, entretenait jour et nuit la même température, grâce à un poêle à bois construit en maçonnerie"....

.."Mais une autre merveille naquit, à quelques centimètres du sol creusé : une serre destinée à faire fructifier des ananas... en plein Berry.
Ils poussèrent si bien et donnèrent de si bons fruits que le jardinier RENAUD, avec la permission de Georges SAND, en transporta quelques-uns à la ville voisine [La Châtre] et n'en put placer aucun aux amateurs de carottes et d'artichauts qui ne connaissant pas "cette denrée", ne s'aventurèrent pas à y goûter"...


Dans "George SAND, ma grand-mère" texte inédit de 1943, Aurore SAND écrit :
"RENAUD dit-elle au jardinier attentif, tu as bien fait de sortir les arbustes de l'orangerie ; les as-tu disposés comme je te l'ai demandé, sur la terrasse, avec les fuchsias, la verveine, les grenadiers ? Aurons-nous des fleurs d'oranger cet été ? Montre-moi où sont les fougères".
Quelques fougères rares voisinent avec celles que George a rapportées de ses promenades, des mousses qui fleurissent, tapissent les intervalles laissés par les plantes


"Comme elles sont belles, RENAUD tu les as bien soignées. Les enfants n'entrent pas souvent, n'est-ce pas ? Veille à ce que le froid n'y pénètre pas, si la porte restait ouverte. Montre-moi les ananas."


Et voici Madame et son jardinier se dirigeant vers une autre serre, celle-ci en plein soleil, éloignée du mur de clôture et comme creusée dans le sol. Il faut descendre trois marches pour entrer sous les châssis. Faire pousser et mieux, mûrir des ananas en plein Berry dans la Vallée Noire, contrée herbue et boisée, où la terre donne le blé et les pacages, parait paradoxal...
Toujours est-il que les ananas atteignent grosseur et maturité. RENAUD y mis son amour propre et l'on servit des ananas du jardin sur la table. RENAUD fier de les montrer, les porta un samedi matin, au marché de La Châtre.
"Eh bien croyez-moi Madame, dit-il en revenant, personne n'en a voulu! Les dames les regardaient en passant d'un air dédaigneux, les cuisinières me regardaient moi, comme si j'étais un fou qui montre des choses sorties de l'invention du diable ! Je les rapporte. C'est-t-il malheureux d'avoir des fruits si rares et des gens si bêtes !
- C'est l'ignorance, mon cher RENAUD. L'ignorance nie ou méprise ce qu'elle ne connait pas...". 


1 commentaire:

  1. Voilà une magnifique histoire, comme je les aime et comme la généalogie nous en réserve quelquefois !

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